CHAPITRE 4: IL ÉTAIT UNE FOIS…

(Suite de “Quand j’serai grande”)

Les rêves de mon passé sont devenus ma réalité présente, et font de ma vie un merveilleux rêve éveillé. Quand je jette un regard sur ce passé, il me semble être un mirage, une illusion, au point presque de me demander s’il a vraiment existé, ou bien si tout cela n’était qu’un mauvais rêve… un long mauvais rêve, duquel je viens de me réveiller. Oui en fait, tout ce temps je ne vivais pas vraiment, je rêvais. Je rêvais d’une vie meilleure, prisonnière d’un mauvais rêve.

Aujourd’hui seulement, je peux dire, « je vis ».

LE MAUVAIS RÊVE

C’est comme cela que Dong Miguel Ruiz nomme le conditionnement de la société sur l’individu dans son fameux livre « Les quatre accords toltèques ». C’est ce livre qui m’a aidé à sortir du mauvais rêve, au moment crucial où je commençais à prendre conscience de cette brutale vérité.

C’était un jour comme les autres, en 2015, je prenais le métro machinalement pour me rendre à mon travail. Le regard dans le vide, j’ai commencé à me sentir en décalage de moi-même. Un peu comme si je me regardais de l’extérieur, et que je m’observais. A cet instant, la personne que je vis, je ne la reconnus pas. Une étrangère. “Ce n’est pas moi”, me suis-je dis. “Comment j’en suis arrivée là? Vivre une vie que je m’étais toujours promise de ne pas vivre.”

Une image claire, nette, est venue me percuter : je suis à côté de ma vie. Littéralement. C’est à dire que ma “vraie” vie est quelque part juste à côté, et moi je suis là dans cette autre vie, qui n’est en réalité qu’un mensonge, une illusion. J’ai pris une mauvaise route, et cette route ne me mène nul part.

Paris 2015, Leica M6

C’est la route du mauvais rêve de Don Miguel. Ce qu’il appelle “le processus de domestication de la planète”. Dans son livre “Les Accords Toltèques” il explique comment nous en arrivons à vivre une vie qui ne nous correspond pas et nous rend malheureux.

LES ACCORDS TOLTÈQUES

“Voilà comment on apprend quand on est enfant. Nous croyons tout ce que les adultes nous disent. Nous sommes d’accord avec eux, et notre foi est si forte que le système de croyance contrôle tout le rêve de notre vie. Nous n’avons pas choisi ces croyances et nous pouvons même nous rebeller contre elles, mais nous ne sommes pas assez forts pour réussir cette rébellion. Il en résulte une soumission aux croyances, avec notre accord. J’appelle cela le processus de domestication des humains. Grâce à cette domestication on apprend comment vivre et comment rêver. Au cours de notre domestication, l’information du rêve de la planète (le conditionnement de la société) est transmise à notre rêve interne et construit tout notre système de croyances.”

Autrement dit, au cours de notre enfance nous intégrons inconsciemment des croyances qui deviennent des accords que nous passons avec nous mêmes et qui finissent par remplacer presque totalement notre vérité initiale intérieure, notre rêve originel. Des croyances, ne nous appartenant même pas, qui définissent ce que nous sommes, ce que nous sommes pas, et ce que doit être notre vie. Le plus gros drame, c’est que nous n’en avons même pas conscience. C’est justement cette inconscience qui nous enlève la possibilité de remettre en question ces croyances, la liberté de nous découvrir, de nous rencontrer et donc de nous épanouir dans notre vérité unique, puisque nous sommes déjà “prédéfinis”: notre vie est limitée à ce que dicte ces programmes inconscients.

RÉÉCRIRE L’HISTOIRE

Je me souviens encore parfaitement aujourd’hui du moment où le plus grand déclic de ma vie est arrivé à la lecture de ce livre. Comme si une nouvelle vision venait de se débloquer dans mon esprit, me permettant soudainement de voir la réalité avec un nouveau filtre révélant une chose incroyable: les histoires ont le pouvoir de créer notre réalité. Notre vie personnelle (et collective!) est le résultat d’histoires inconscientes qu’on se raconte, auxquelles on croit et qui toutes ensemble nous dictent une grande histoire dans laquelle nous avons le premier rôle, une histoire qui définit donc ce que nous sommes. Une histoire qui, grâce à notre croyance, devient notre réalité. Voilà ce que je dois faire, me suis-je dis, réécrire toute cette histoire et changer mon rôle.

Et comme si la vie n’attendait que cela de moi, que je sorte enfin de mon hypnose inconsciente, et qu’elle ne voulait surtout pas prendre le risque que je me rendorme, que je referme la porte que je venais d’entrouvrir, les évènements s’enchaînèrent de manière orchestrale sur une très courte période; me poussant à franchir cette porte et continuer sur cette nouvelle route:

des livres clés m’arrivèrent dans les mains comme celui de Don Miguel, des attentats dans le quartier de mon lieu de travail me poussèrent à accepter une invitation improbable à l’autre bout du monde, puis mon corps physique commençant à lâcher, finit par m’immobiliser plusieurs mois, m’empêchant de renouveler mon contrat professionnel.

Les plus belles histoires commencent toujours par des naufrages. - Jack London

Premiers pas dans la jungle aux Philippines, fin 2015

Mais voilà, ce n’était pas simplement une question de changement de carrière. C’était un tout : relations, habitudes, petits et grands choix, priorités, mentalité, spiritualité, alimentation etc. Ce que je fais mais surtout ce que je suis. Ou plutôt, ce que je crois être. Ma façon d’être, à moi-même et aux autres, autrement dit ma personnalité, mon identité. Une identité qui jusqu’à présent était définie par cette histoire inconsciente, comme un programme par défaut. Est alors apparut LA question intransigeante : qui suis-je ? Car si je veux changer mon histoire, c’est à dire ma réalité, et réécrire mon rôle, j’ai besoin de savoir qui je suis, et surtout peut être d’abord, qui ne suis-je pas.

“En chacun de nous existe un autre être que nous ne connaissons pas. Il nous parle à travers le rêve et nous fait savoir qu'il nous voit bien différent de ce que nous croyons être. “ - Carl Jung

Douarnenez, 2024

Moment de bascule irrémédiable. Une fois cette question posée, je sentis que je venais de passer un seuil de non retour, et que la seule issue possible désormais était de poursuivre droit devant moi. Alors j’ai continué à tirer le fil et le suivre un peu plus loin. Ce fil était fait de questions, toujours plus dérangeantes, inconfortables et en même temps libératrices, comme: Qui suis-je, avant que le monde ne me donne un nom, une histoire et m’assigne un rôle dans cette histoire ?ou “Si je suis tout ce que je possède, de matériel ou d’immatériel, et si je perds tout ce que je possède, qui je suis ?”

LA QUÊTE DU HÉRO

A partir de là j’avançais en territoire inconnu. Non seulement dans ma réalité physique, mais surtout dans mon intériorité. Commença un véritable voyage à la rencontre de mes profondeurs et de tout ce qui s’y cache. Un véritable travail de spéléologie ou d’archéologie pour déterrer toutes ces croyances intégrées par le passé, ces programmes inconscients, afin de ne plus en être la victime. Un travail de déconstruction, couche après couche, d’une identité construite contre ma volonté originelle. Un véritable chemin de l’obscurité totale à la lumière, de ma propre conscience.

Tumulus de Mané-Kerioned, Bretagne 2024

Ce n'est pas en regardant la lumière qu'on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. Mais ce travail est souvent désagréable, donc impopulaire.” - Carl Jung

En somme, une véritable quête héroïque semée d’embuches, d’épreuves de courage face aux pièges de mon égo et de ses attachements, et de discernement afin d’identifier la vérité, celle qui libère de l’enfermement d’une illusion.

En fait, sans le savoir, je venais de me lancer dans ma propre “Quête du Héro”.

C’est le grand professeur de mythologie Joseph Campbell qui nomme ce cheminement intérieur “La quête du héro”. Car oui, c’est héroïque d’entreprendre ce chemin. Aussi et surtout car au sein de ce territoire intérieur, nous sommes en terrain psychique et sur ce terrain nous parlons un langage différent: le langage archétypale et symbolique. Ainsi J.Campbell a identifié plusieurs étapes très spécifiques que toute personne entreprenant sa descente dans ses propres profondeurs rencontrera. J’avais déjà vécu les premières:

La quête commence par un appel. Un appel de l’âme, possiblement renforcé par la vie et ses circonstances. Un appel tellement fort qu’il est difficile de l’ignorer.

Puis le passage d’un premier seuil de non-retour, à partir duquel nous passons de l’autre côté, dans notre vaste monde psychique où nous attend donc toute une série d’étapes symboliques mais non moins réelles et puissamment transformatrices. Car c’est bien au sein de ce monde intérieur que se trouve la source de notre pouvoir créateur. Or, si ce pouvoir est enchaîné par des croyances limitantes, nous ne pouvons l’utiliser pour créer la vie que nous souhaitons réellement et nous réaliser pleinement.

« On entre dans la forêt au point le plus sombre, là où il n’y a pas de chemin. Là où il y a un chemin, c’est le chemin de quelqu’un d’autre ; chaque être humain est un phénomène unique.  » - Joseph Campbell

Cette quête intérieure n’est pas simplement mentale ou psychologique, elle se vit de tout son être. Entreprendre cette quête c’est vivre une véritable auto-initiation qui nous apportera quelque chose que personne ni aucune fausse croyance ne peut nous enlever. Une quête pour reprendre son pouvoir personnel, ce pouvoir créateur de notre réalité que nous avons donné à des croyances et programmes inconscients nous faisant passer littéralement à côté de notre vie !

"Nous devons être prêts à nous séparer de la vie que nous avons planifiée, afin de vivre la vie qui nous attend." - Joseph Campbell

Ellipse/Fin d’eclipse. Aujourd’hui, dix ans plus tard, j’atteins le bout du tunnel. Une des dernières étapes de la quête est le retour au monde, telle une seconde naissance; une naissance de notre âme au monde en conscience et avec intention.
Libérée du mauvais rêve extérieurement et surtout intérieurement, j’ai déconstruit et déprogrammé ce qui m’enlevait mon pouvoir créateur. Alors désormais je peux l’utiliser pour écrire mon histoire, celle de mes rêves que je porte en moi depuis toujours.

La vie est une histoire dans laquelle nous sommes soit un héro soit une victime, c’est à dire privé de notre pouvoir créateur.

La vie est une histoire, et mieux vaut s’assurer de qui en est en l’auteur.

“Finding Joe” réalisé par Patrick Takaya Solomon

N.B.: il ne fait aucun doute que je suis loin d’avoir illuminé toutes mes profondeurs, d’avoir transcendé toutes mes parts d’ombre. J’ai terminé ma quête dans le sens que je me suis libérée d’une histoire qui me dépossédait de ma vérité et de mon pouvoir créateur. Mais la descente dans les profondeurs de notre inconscient pour y apporter la lumière est un travail sans fin. La différence c’est que maintenant, la porte est ouverte.

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CHAPITRE 3: QUAND J’SERAI GRANDE